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Fort de Penthièvre

Durant la Seconde Guerre mondiale, les forces allemandes intègrent cet ouvrage à leur dispositif de Mur de l'Atlantique. Il sert également de geôle et de lieu d'exécution à la fin de la guerre : 59 résistants y ont trouvé la mort entre avril et juillet 1944 dont 50 le 13 juillet 1945. Un monument a été érigé sur le site en leur mémoire.

Le 3e régiment d'infanterie de marine de Vannes s'en sert de base d'entraînement depuis 1969.
Source Wikipedia


Texte d'un des panneaux

 PENTHIÈVRE  

A l'époque des vacances peu de.voitures parmi les milliers qui se rendent à Quiberon ralentissent entre Penthièvre et Kerhostin. La route est droite et chacun est pressé d'arriver. De chaque côté le sable fin des plages en pente douce sollicite parfois un arrêt imprévu, mais bien rares sont ceux qui prêtent attention à la masse grise de la citadelle qui surplombe la mer et se détache sur le ciel bleu.
Sur ces côtes, les forts sont nombreux et celui-ci n'offre guère plus d'intérêt que les autres sauf peut-être pour un petit garçon qui, la pelle à la main, tente avec application d'en faire une copie miniature dans le sable mouillé -Dis papa à quoi il sert, ce fort ?" Le papa, occupé à mettre son bateau à l'eau, répond d'une voix peu impatiente : "Il a été construit par Vauban quand on se battait contre les Anglais ensuite pendant la guerre les Allemands y ont fusillé des gens". Le gosse voudrait en savoir davantage, mais devant l'air affairé de son papa, il ravale sa question et se remet à son ouvrage. Peut être que s'il interrogeait le conducteur de la voiture immatriculée en R.F.A. qui s'est arrêtée tout à l'heure au bas du sentier qui mène à la citadelle, sa curiosité serait-elle satisfaite. Qui sait ? Le touriste, en effet, semble bien connaître les lieux mais si, comme je l'imagine il y séjourna il y a quelques 27 ans, il va trouver bien du changement. Sous les mains habiles d'une dizaine de soldats d'infanterie de marine, tous ouvriers spécialisés dans le bâtiment, les couloirs humides et les sombres cachots sont transformés en un "lieu de résidence" confortable et pimpant qui n'a rien a envier à bien des hôtels de tourisme. Le jeune sergent qui guide ma visite, n'était pas encore né en 1944 et ne peut me donner de précisions sur ce qui s'y passa à l'époque. Il n'ignore pas, cependant que 59 français y furent massacrés et bien que ce ne soit pas la première fois qu'il s'engage dans l'étroit boyau retrouvé en mai 1945, je le sens aussi ému que moi.

En ces dernier mois de guerre, les Saint -Pierrots étaient bien loin de se douter de ce qui sc passait à l'intérieur du fort auprès duquel il n'était pas prudent de s'aventurer d'autant que les plus intéressés avaient de bonnes raisons de ne pas se faire remarquer.

"L'Alphonse", que je trouve en train d'arroser ses plants de salade, étant de ceux là. "Elle était lourde la plate chargée d'armes et de munitions qu'il fallait dans la nuit, faire glisser sans bruit à la barbe des sentinelles". Il me conseille d'aller voir Rosalie BURE et, rappelant son chien qui s'est mis au frais dans un massif de fleurs il reprend son arrosoir. Maintenant tout ça, c'est du passé, il y avait du travail à faire, il l'a fait, un point c'est tout. Nuit après nuit, il a risqué sa peau, mais il ne tient pas à cn parler, pour lui c'était naturel. 

Rosalie BURE qui habite une petite maison toute proche, n'est plus toute jeune, mais elle a gardé une bonne mémoire. Elle était, avec une autre femme des environs, seule à pouvoir pénétrer dans le fort où elle faisait la cuisine et elle se souvient de la manière dont étaient traités les malheureux qui y étaient internés. 

Le 13 juillet 1944, 53 Patriotes venant de Vannes et encadrés par der agents de la Gestapo arrivèrent Port-Penthièvre. Le lendemain matin à 10 heures, ils étaient emmenés deux par deux devant les pelotons d’exécution composés de S.S. de l'armée Vlassov commandés par le lieutenant Wassilenko, un Georgien, ivrogne à demi-fou, placé sous les ordres du lieutenant Stilling commandant du fort.

Les morts et les agonisants furent ensuite jetés dans un étroit boyau au pied des cuves qui fut muré afin que toute trace du forfait fut disparue.Quand 10 mois, 'lus tard or ouvrit le charnier, on s'aperçut, relate Claude DERVENN "que certains des suppliciés avaient eu les lèvres agrafées par des fils barbelés, sans doute pour les empêcher de hurler . Sur le roc, on distinguait encore les traces sanglantes des mains qui s'y étaient agrippées ; dans l'obscurité, mi-asphyxiés, des mourants avaient tentés d'écrire avec leur sang, une dernière fois : « Vive... ». 

L'affaire avait commencé à Vannes le 12 Juillet 1944. Les troupes américaines avançant rapidement, l'occupant ne tenait pas à ce qu'elles trouvent les prisons occupées.

Voici les déclarations du major Esser chef de bataillon du défense côtière du 894c R I. au 'tribunal Militaire de la IIIe Région lors de son jugement : « Ce jour -là, le chef de la  Gestapo de la garnison vint trouver le colonel Reese dont le P.C. était installe a Arradon et lui demanda de fusiller un groupe de 50 français qui se trouvaient détenus à la prison de Vannes. Ils étaient pour la plupart originaires de Locminé.
Sans discuter  et en y mettant même un certain empressement le colonel accepta et me donna l'ordre de faire exécuter la sentence. Je tentais de me débarrasser de cette corvée en arguant qu'il serait difficile de creuser une fosse dans le terrain rocheux.
 Il faudrait faire venir des pionniers et faire sauter le roc à la dynamite Mais aucun complu n'ayant tir tenu ale mes observations, je dus donc exécuter l'ordre. en cas rh refus d'obéissance j'aurai été traduit devant le Conseil de Guerre et ma famille placée  dans un camp concentration. Comme il n'y avait jamais eu d'exécutions dans les bataillons placés sous mes ordres, j'ai demandé des instructions au P.C. du colonel.
L'officier adjoint le lieutenant Sperl m'a répondu qu'on ne traitait pas de telles affaires au téléphone que je n'avais qu'à exécuter l'ordre qui m'avait été donné consciencieusement et le mieux possible, comme cela s'entendait naturellement pour officier ne connaissant qu'un combat chevaleresque, honorablement, de manière militaire-, sans faire souffrir qui que ce soit, prévoyant un enterrement digne, parce que je pensais que ces hommes avaient quand même voulu le mieux pour leur patrie, mais que malheureusement ils avaient employé des moyens non reconnus par le Droit international"
Après avoir évoqué leur  exécutions il ajouta : « J'ai fait les choses aussi bien que je pouvais et malgré l'emmurement de la fosse, ce qui était nécessaire pour l'hygiène,ce devait être un jeu le découvrir ; 



Une pièce était aménagée en chambre de torture et régulièrement ces messieurs de la Gestapo de Vannes venaient au fort interroger les prisonniers avec leurs méthodes habituelles : pendaison par les pieds, coups de bâton, supplice de la baignoire, arrachage des ongles, etc. "Les familles de ces pauvres gars ignoraient où ils étaient. Chaque jour, je sortais des messages roulés dans mon corsage et elles purent ainsi être prévenues et une correspondance établie . Dame, il n'aurait pas fallu que les boches s'en aperçoivent".

A Saint Julien, à l'entrée de Quiberon, Pierre LANTIL habite une maison blanche à toit d'ardoise comme toutes celles de la région. Mis prématurément à la retraite par la Gendarmerie, pour raison de santé, il s'adonne maintenant à la pêche quand ses forces le lui permettent. Il est l'un des rares rescapés de Fort - Pentièvre et il subit aujourd’hui les conséquences de son internement " Depuis 1943, je faisais partie du Ier réseau de Résistance à Quiberon. Le 10 février 1944, j'étais au camp de Crameur, le premier attaqué dans le Morbihan. Nous eûmes quatre tués. Eugène THOMAS et moi-même furent arrêtés. Je fus envoyé à Vannes où je restais jusqu'au 20 avril date à laquelle nous fûmes amenés, environ une soixantaine à Penthièvre. Nous ignorions, évidemment au départ notre destination. D'après la route suivie je pensais tout d'abord à Belle-Îfe quand nous nous arrêtâmes à Penthièvre qui n'était absolument pas aménagé pour recevoir des prisonniers car nous étions les premiers. On nous fouilla et on nous mit dans les grandes salles où plus tard on nous jeta de la paille qui ne fut bientôt plus qu'un fumier. Beaucoup d'entre nous étaient malades et il n'y avait personne pour nous soigner. Les interrogatoires, accompagnés de tortures, ont immédiatement commencé et huit d'entre nous furent fusillés. Une noce raflée à Locminé vint nous rejoindre mais fut libérée au bout de quelques jours... 

Pierre LANTIL connaissait parfaitement les lieux, le fort ayant été l'un des terrains de jeux de son enfance. Il n'ignorait pas que les ordures étaient déversées à la mer par un conduit. L'Idée de s'évader par cette voie s'imposa donc immédiatement à lui.
Ayant remarqué que pour l'appel du soir, l'adjudant allemand ayant rangé les prisonniers tout autour de leur salle, tournait un instant le clos à la porte, à partir de laquelle il commençait à les compter, pour s'arrêter devant ceux du mur du fond, son plan fut vite établi. Il suffisait qu'il se cache, avant l'appel, dans le four à pain et que l'un de ses camarades compté parmi les premiers près de la porte se range vivement parmi les derniers quand l'Allemand aurait le dos tourné pour que celui ci trouve son compte. Hélas, le soir où le projet fut mis à exécution, l'adjudant s'était fait accompagné d'un de ses hommes qui, restant à la porte, fit échouer l'entreprise. Le fugitif fut vite découvert et consciencieusement passé à tabac.


Le 30 mai 1944 un groupe d'une vingtaine de camarades il était reconduit à Vannes où il fut ri août. Les autres avaient été fusillés à Rennes ou déportés en Allemagne dont un René CHANEREL, revint. 

On retrouve bien dans les propos de ce petit instituteur de 52 ans (Esser n'était pas militaire de carrière) l'apparente bonne foi, amalgame de naïveté (?) de discipline et d'amour du travail bien fait » des serviteurs du régime nazi.

Le lieutenant Ming fut mis en accusation après la capitulation de la poche de Lorient. Il avait en plus à son actif l'assassinat de cinq personnes dont deux furent brûlées vives apis avoir été arrosées d'essence.

La brute géogienne mu fut tuée à Elven dans des circonstances encore pas très bien éclaircies. D'après certains témoignages, il aurait réussi, avant d'être abattu, à faire mine d'être touche, ce serait laissé tomber de son cheval et aurait tué, d'une rafale de mitraillettes, plusieurs F.F.I. qui le croyaient mort.

Certes tous les soldats allemands qui occupaient la presqu’île n'étaient pas des « tigres assoiffés de sang ». Pierre Lantil conserve une profonde reconnaissance à l'un d'entres eux qui au péril de sa vie, prit la suite de Rosalie BURE pour faire passer le courrier Et cela de son propre chef. Sans qu'on lui demande, par simple humanité. Mieux, il convainquit un de ses camarades d'en faire autant. Le patron de ''Hôtel le Thonier qui fait face au Fort, était enfant à l'époque, maïs il se souvient que, devant se rendre avec un camarade sur le continent pour y passer un examen, l'autorisation leur fut accordée et des soldats allemands les guidèrent dans les passages minés.

Plus d'un quart de siècle s'est écoulé. Avec le crépuscule, les baigneurs ont abandonné la plage pour diner à la terrasse du « Thonier ». A quelques centaines de mètres l'obélisque de granit élevé à la mémoire des victimes se détache dans la nuit pour leur liberté. Les lumières installées pour les cérémonies du lendemain leur rappellent le prix payé pour leur liberté.

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